Depuis des décennies, les enfants juifs qui en Suisse fréquentent les écoles publiques font partie intégrante de la population scolaire et suivent un cursus scolaire et d’enseignement professionnel normal. Certains élèves juifs fréquentent pendant une partie ou toute leur scolarité l’une des écoles juives en Suisse ou à l’étranger. Il y a aujourd’hui des écoles juives à Zurich, Genève, Bâle et Lausanne. La plupart d’entre elles dispensent un enseignement pré-scolaire et primaire, quelques-uns enseignent aux élèves du niveau secondaire. Ces écoles sont soumises à la législation applicable aux écoles privées.
En ce qui concerne l’école publique, des solutions pragmatiques se sont dégagées pour que les enfants pratiquants (une partie importante des enfants juifs est peu ou pas du tout pratiquante) puissent fréquenter l’école tout en respectant les règles de la religion juive. Ces solutions ont facilité l’intégration des enfants juifs issus de l’immigration ; aujourd’hui, l’immense majorité des enfants juifs sont Suisses et font partie du paysage scolaire de notre pays.
La population juive se concentre essentiellement sur les villes de Zurich, Genève, Bâle, Lausanne et Berne, ainsi que sur les régions avoisinantes et c’est là que la plupart des enfants juifs sont scolarisés. Puisque l’école relève de la compétence des cantons et qu’à l’intérieur même des cantons, la pratique n’est pas uniforme, la situation n’est pas partout la même. On constate cependant que la pratique et les solutions ne diffèrent pas beaucoup d’un canton et d’une école à l’autre. Ce qui, dans la pratique, est plus important c’est que tant les parents que les écoles communiquent à temps et cherchent le dialogue plutôt que de s’affronter avec des exigences et des règles.
Depuis des décennies, aucun enseignement religieux obligatoire n’est plus dispensé dans les écoles suisses Alors que des cours de religion facultatifs ont lieu dans certains cantons, d’autres, notamment les cantons laïcs, interdisent tout enseignement de la religion. Dans les deux cas, les élèves juifs, comme ceux d’autres religions minoritaires, y trouvent leur compte. A l’instar des élèves catholiques qui vont au catéchisme, la plupart des élèves juifs suivent, en dehors de l’école, des cours de religion dispensés par les communautés juives.
L’enseignement du fait religieux que la plupart des cantons ont introduit récemment dans leur cursus scolaire doit être distingué clairement des cours de religion (« teaching on religion » et pas « teaching in religion »). Il permet aux élèves de mieux connaître l’histoire et les particularités des différentes religions et contribue à réduire les préjugés. La FSCI y est favorable.
Dans le contexte scolaire, la spécificité la plus importante de la religion juive réside dans le fait que le Chabbat et les jours de fêtes juives, tout type de travail est interdit. Il est par exemple interdit d’écrire, d’allumer un appareil électrique, de prendre la voiture ou un moyen de transport public ou de porter des objets hors des maisons. Ces interdits sont absolus et il n’est permis d’y déroger seulement si la vie ou des raisons impérieuses de santé sont en jeu. Mis à part les juifs, seulement les adeptes de certains courants chrétiens minoritaires connaissent des interdictions de travailler aussi absolues.
Le respect des jours de fête et de repos et donc la dispense scolaire pour les élèves ont été reconnus par le Tribunal fédéral (TF) dans un arrêt récent du 1er avril 2008 (ATF 134 I 114) rendu suite au maintien par les autorités scolaires des examens de maturités fixés au samedi pour un élève membre de l’Eglise adventiste du septième jour. Dans cet arrêt, le TF a imposé à un établissement scolaire l’obligation de trouver une solution de remplacement pour les examens organisés un samedi ou jour férié. Le TF a considéré que la liberté de conscience et de croyance comprend également la possibilité de respecter les interdits religieux pendant le jour de repos et les jours de fête et a estimé qu’il peut être raisonnablement demandé aux enseignants et à l’administration scolaire de faire, jusqu’à un certain degré, des concessions aux minorités religieuses et d’organiser des examens de remplacement, ce que l’école est également obligée de faire pour des enfants malades.
Cette décision récente est utile, puisqu’elle clarifie les principes que les écoles doivent appliquer et facilitent le dialogue avec les interlocuteurs changeants auxquels les parents et élèves juifs ont à faire face tout au long de leur scolarité et qui sont parfois confrontés pour la première fois à ces questions. Il convient de préciser que ces mêmes principes ne sont malheureusement pas appliqués partout en milieu universitaire et que certaines facultés et professeurs refusent de tenir compte de ces situations particulières, ce qui conduit des étudiants à devoir se présenter, souvent pour un examen, à une session subséquente et de prolonger ainsi leurs études.
Les règles concernant les jours de repos ne sont pas les seuls impératifs de la religion juive qui peuvent avoir un impact en milieu scolaire. D’autres prescriptions, notamment celles qui concernent les règles alimentaires, sont faciles à mettre en œuvre, puisque les parents peuvent facilement remplacer la cantine par un pique-nique ou supprimer les aliments interdits.
La tenue vestimentaire des juifs ne pose en principe pas de problème à l’école. Dans le judaïsme, seulement les femmes mariées sont tenues de couvrir leurs cheveux. Par contre, le port d'un couvre-chef (kippa, casquette, bonnet, etc.) est obligatoire pour les garçons et les hommes pendant la prière, les repas et certaines autres activités et recommandée le reste du temps.
Même si, cette question ne concerne les élèves juifs pas directement, la FSCI estime qu’en l’application du principe de la liberté religieuse, les élèves musulmans pratiquantes doivent pouvoir porter un foulard. Le port d’un foulard par les élèves ne dérange en rien l’enseignement scolaire et permet à ces enfants de suivre le même enseignement que leurs camarades.
La situation est différente pour les enseignants. En effet, comme en a décidé le TF (ATF 123 I 297 ss.), il est indispensable que l’école publique en tant que telle préserve sa neutralité religieuse.
En milieu scolaire, les principes fondamentaux en la matière sont donc la neutralité religieuse de l’école et la liberté religieuse des élèves. L’expérience montre que ces deux principes peuvent facilement cohabiter et que le dialogue et l’échange peuvent même être enrichissants pour l’ensemble des élèves. La pratique de la religion ne s’oppose ni à la réussite et l’intégration scolaire, ni à la paix confessionnelle. Concilier religion et école permet aux élèves de prendre ou de renforcer leurs racines dans notre pays sans devoir renier leur origine et leurs convictions.
Auteur
Sabine Simkhovitch-Dreyfus, 2010
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