La présidente de la Confédération, Karin Keller-Sutter, assiste à la cérémonie de commémoration à Auschwitz, aux côtés de deux survivants ainsi que du président de la FSCI, Ralph Friedländer

Quatre-vingts ans après la libération, une cérémonie de commémoration internationale a eu lieu hier à Auschwitz. La présidente de la Confédération, Karin Keller-Sutter, y a participé aux côtés de deux survivants et du président de la FSCI, Ralph Friedländer. Les frères Alfred et Rudolf Popper avaient survécu à Auschwitz alors qu’ils étaient enfants. Pour la première fois depuis leur libération en 1945, ils sont revenus sur ce lieu funeste et ont participé à la commémoration en tant que membres de la délégation officielle suisse. Une quarantaine de chefs d’État et de gouvernement et un grand nombre de représentantes et représentants d’organisations internationales se sont réunis à Auschwitz pour rendre hommage aux victimes de l’Holocauste. La Journée internationale dediée à la mémoire des victimes de l’Holocauste du 27 janvier a été instaurée en 2005 par l’Assemblée générale des Nations unies. L’événement a été organisé par le musée du site et la Fondation Auschwitz-Birkenau.

Photos: Devènes / Chancellerie fédérale

Message de la Présidente de la Confédération à l'occasion de la Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste.

Parallèlement à sa visite à Auschwitz, la présidente de la Confédération a publié un message à l’occasion de cette journée de commémoration.

27 janvier 2025

Il y a 80 ans, la libération du camp d’Auschwitz révélait au monde le pire de ce que l’homme peut infliger à ses semblables. Dans ce lieu, plus d’un million de femmes, hommes et enfants ont délibérément été menés à la mort dans des conditions effroyables. Aujourd’hui, nous nous inclinons devant la mémoire des 6 millions de Juifs assassinés à Auschwitz et dans d’autres lieux durant l’Holocauste. Nous nous souvenons aussi des Roms et de toutes les autres victimes de la politique d’extermination insensée menée par l’Allemagne nazie, ses collaborateurs et complices. Aux côtés de chefs d’Etat et de gouvernement du monde entier, je suis venue aux commémorations à Auschwitz afin de souligner l’importance de préserver la mémoire du crime incommensurable qui s’y est déroulé.

C’est aux survivantes et survivants, dont certains m’accompagnent, qu’est dû le plus grand respect. Après avoir enduré tant de souffrances, ils ont eu à reconstruire leur vie, le plus souvent avec la douleur d’avoir perdu leurs proches. Leurs témoignages, qui émeuvent et éclairent, sont d'une valeur inestimable. Face aux distorsions, approximations et contre-vérités, amplifiées par les médias sociaux, ils attestent des faits tels qu’ils les ont vécus. Le cercle des survivants se rétrécit toutefois chaque année, éteignant ces voix témoins qui nous relient directement à la réalité historique. Nous devons redoubler d’efforts dans le domaine éducatif afin de continuer à faire vivre la mémoire de l’Holocauste, notamment auprès des jeunes générations.

Sachant comment l’antisémitisme a été exploité par le passé pour justifier les pires crimes, sa résurgence actuelle, y compris en Suisse, est inquiétante. La montée de courants politiques dans plusieurs pays prônant l’exclusion au nom d’un concept de supériorité préoccupe également. Il faut réitérer avec détermination qu’il est intolérable que nos concitoyens de confession juive soient soumis à la discrimination, l’intimidation ou encore à la violence. Les valeurs démocratiques de tolérance, de respect mutuel et de vivre-ensemble sont incompatibles avec des manifestations de haine sur base raciale, ethnique, religieuse ou d’orientation sexuelle. A ce titre, une stratégie nationale pour lutter contre le racisme et l’antisémitisme est en train d’être élaborée, et celle-ci proposera un plan d’action dans différents domaines afin de mieux prévenir et contrer ces fléaux.

Au sortir de la seconde guerre mondiale et de l’Holocauste, un ordre international bâti sur la promesse du « jamais plus » a vu le jour. Le droit international et des institutions multilatérales comme les Nations Unies ont été investies du mandat d’empêcher la récurrence des crimes de masse. Or on constate actuellement une remise en cause des fondements de ce système qui, s’il a connu des échecs, a aussi enregistré des progrès et a agi comme un garde-fou. Les violations croissantes et répétées du droit international humanitaire dans de nombreux conflits actuels devraient plutôt faire sonner un signal d’alarme et de remobilisation. Pour endiguer l’arbitraire de la violence frappant surtout les civils, il est nécessaire que tous les Etats respectent un cadre normatif commun ainsi que les institutions internationales chargées de le mettre en œuvre.

Au regard de ces nombreux défis, la Suisse est fermement convaincue de la nécessité et responsabilité de perpétuer la mémoire de l’Holocauste. Il est de notre devoir d’intensifier les efforts d’information et éducation dans un but de prévention et de non-récurrence. Une contribution importante à cet égard sera la création d’un lieu de mémoire national pour les victimes du nazisme à Berne, en collaboration avec les autorités de la ville. Un centre d’information transfrontalier dans le canton de Saint Gall consacré à la thématique des réfugiés est aussi en cours de réalisation. Au sein d’un réseau national de sites, ces lieux illustreront comment la Suisse a répondu au régime de persécution nazi à ses frontières. Si de nombreuses personnes en danger ont reçu l’asile en Suisse, d’autres ont été refoulées notamment parce qu’elles étaient juives. Apprendre du passé, c’est aussi savoir regarder ses propres responsabilités. L’esprit de résilience des survivants doit nous inspirer à donner le meilleur de nous-mêmes, convaincus de l’égale valeur et l’inhérente dignité de chaque être humain – précisément le contraire de ce que le camp d’Auschwitz représente.